Rapport d’activité de l'association (1)
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La situation en Afghanistan (2)
(par M. Tourneux)
Assemblée générale du samedi 4 novembre 2023
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Cette assemblée a réuni plus d’une quarantaine de personnes. Beaucoup avaient donné leur pouvoir.
Activité de mars 2023 au 4 novembre 2023. Présentation du rapport : Nafissa SIKANDARI et Régine ISNARDON.
Notre dernière assemblée générale s’est tenu le 14 Janvier 2023 à la cité des associations. Nous avons ensuite travaillé à l’expédition des parrainages jusqu’en avril (premier envoi). La liste définitive des parrainages 2023 a été fixée fin avril.
Au début du mois de septembre nous avons envoyé les dons alimentaires. Chaque don s’élevait à 45 € environ. C’est bien limité, mais c’est déjà bien accueilli.
En septembre et octobre nous avons procédé à la distribution des bourses (parrainages) aux bénéficiaires ; 56 enfants touchent chacun 80 € à peu près.
Pour ce qui est des colis alimentaires, les dons concernaient 35 familles.
Nous avons allongé les périodes de distribution pour plusieurs raisons : d’abord la demande se fait forte. Les personnes qui savent qu’elles vont recevoir un petit pécule n’hésitent pas à nous téléphoner en France pour savoir quand elles toucheront leurs bourses. Les dates de distribution correspondent aux périodes froides où les besoins de bois de chauffage se font sentir. La distribution de printemps coïncide avec la fête de Nowruz. Nous contribuons un peu à la célébration du printemps en maintenant cette tradition : les familles les plus pauvres peuvent s’acheter de nouveaux habits pour la fête suivant la tradition...
Les réunions publiques et l’activité quotidienne à Marseille
Le 16 juin 2023, nous avons organisé à la maison du chant une réunion présentant 4 afghanes ayant choisi l’exil à des périodes et pour des raisons différentes, afin de montrer toutes les dimensions de la diaspora afghane. Nous avons observé que nous rencontrions plus de familles, moins d’hommes seuls.
Nous avons changé notre mode d’intervention : alors que nous faisions beaucoup d’aide individuelle aux migrants dans la période précédente (en particulier beaucoup d’aide à la rédaction des récits de vie, récits OFPRA). Nous avons diminué considérablement le nombre des dossiers d’asile traités, en fixant des règles : pas plus d’un ou deux dossiers en même temps. Nafissa règle maintenant une série de problèmes par téléphone : plutôt donner des conseils et des adresses utiles que faire à la place des personnes. Plutôt apprendre à un jeune à expédier une lettre recommandée que de la porter soi-même a la poste, pour aller plus vite. Il devient de plus en plus évident que notre association est sou dimensionné par rapport aux problèmes et aux besoins. Il faudrait une association où les Afghans pourraient être majoritaires et géreraient ensemble leurs difficultés.
Il faut insister sur la nécessité d’apprendre le français. Ceux qui réussissent sont ceux qui se donnent la peine d’apprendre le Français. L’Afghanistan est plein de richesses. Richesses minières, recherches culturelles… Le pays est riche aussi de sa jeunesse. Espérons que beaucoup de ceux qui sont venus apprendre et travailler en Europe contribueront à la réussite du pays. Heureusement des volontaires se manifestent pour faire fonctionner à nouveau notre « école des Afghans ».
La situation en Afghanistan
Assemblée générale du samedi 4 novembre 2023
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La guerre a refait son apparition sur le continent européen sous une forme extrêmement violente. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie d’abord, le conflit israélo-palestinien ensuite.
Nous avons à déplorer plusieurs conflits et guerres ouvertes. Pas question d’ oublier certains belligérants et de favoriser les autres. En tant qu’humanitaires, ce que nous pouvons dire, c’est que nous voudrions alléger les souffrances des uns et des autres. Le principe de l’action humanitaire, c’est : « une vie vaut une vie »
Pour cette fois, l’Afghanistan n’est pas au centre du conflit. L’Afghanistan n’est pas non plus séparé de l’actualité. La guerre en Afghanistan avait inauguré des stratégies, des techniques de combat et des armes qui sont largement utilisés : les drones, les RPG, les chars… Ces guerres nous apprennent l’importance du renseignement, de la désinformation, de la manipulation.
Ces conflits ignorent le « droit de la guerre. Les grands moyens d’information ne nous donnent que bien peu de nouvelles sur l’Afghanistan, pensant sans doute, que ces guerres n’ont rien à voir avec la déjà vieille guerre d’Afghanistan. Pourtant, l’Afghanistan était au centre de ces tourbillons de violence, pendant des dizaines d’années : aujourd’hui c’est le Moyen-Orient. Le manque d’information ne concerne pas seulement les guerres : les tremblements de terre dans la région d’ Herat sont presque ignorés de l’opinion occidentale. Les répliques de ce tremblement de terre ne sont pas finies encore, alors que le ministère taliban de la santé annonce plus de 2000 morts.. L’exemple du tremblement de terre montre bien combien les médias sont démunis : les uns annoncent plusieurs centaines de victimes, d’autres plus de 2000. On n’en sait rien et on en ne saura rien, parce que aucune administration peut mettre en place un système de comptage… Le ministère concerné n’annonce qu’un mort pour la première réplique… !
J’attire votre attention sur une série de problèmes : d’abord la question des droits, en particulier des droits des femmes, puis les questions économiques en disant quelques mots de la famine qui menace et, finalement, je parlerai de la question de la reconnaissance de l’Afghanistan comme État, c'est-à-dire de la politique étrangère.
Le gouvernement taliban fonctionne d’une manière particulière. On pourrait dire que c’est un gouvernement obsessionnel qui a comme programme essentiel la limitation, puis la disparition du droit des femmes. Le ministère de la répression du vice et de la promotion de la vertu (ministère des mœurs) semble être le seul ministère qui intéresse les talibans ! Les talibans n’étaient pas prêts du tout à gérer un État moderne. Pire ! ils s’en moquent et n’interviennent que pour régir les comportements des femmes et des hommes.
Une certitude : dans un avenir proche, les talibans ne vont pas adoucir leur programme, ils ne feront aucune concession. Ils déroulent simplement leur liste d’interdictions. D’abord, ils imposent la burqa, puis l’obligation de sortir avec un mahram, puis l’interdiction du travail des femmes, l’interdiction des études secondaires et universitaires pour les femmes. Ensuite, l’interdiction du travail des femmes étrangères des ONG. Il ne faut pas croire que la liste des interdictions est négociable. Le programme des talibans, c’est d’appliquer toute la liste. À Doha, au Qatar, lors des négociations préalables à la chute d’Ahmad Ghani, Les américains ont cru que la liste pouvait être objet de négociations. Il n’en est rien. C’est toute la liste qui sera imposée. Les promesses sont des mensonges. Les talibans ont fait croire qu’ils céderaient sur le travail des femmes, il n’en a rien été. Les certitudes des talibans sont d’ordres religieux et dogmatiques, ils ne céderont sur rien, parce que leurs convictions sont des articles de leur foi religieuse et ne sont pas négociables.
Le pouvoir des talibans s’exerce de façon assez inégale, et parfois désordonnée au moins en apparence. Certaines régions semblent fonctionner de façon relativement autonome. D’autres régions se signalent par une stricte observance des principes talibans. Certaines régions ont gardé l’administration d’Ashraf Ghani, d’autres en ont éliminé les personnels.
Les talibans semblent parfois laisser passer l’aide étrangère. En particulier l’aide qu’apportent les grandes organisations internationales contre la faim : ils y ont intérêt : comme ils ne remplissent pas ces tâches, ils les laissent volontiers faire par d’autres, pour le moment.
L’hiver 2023 2024 va être celui de la famine. Le gouvernement taliban ne prévoit rien, ou pas grand-chose : il laissera faire les grandes ONG. Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU ( OCHA) prévoit que 23 millions de personnes devraient être secourues, et que 9 millions de personnes ne pourront recevoir aucune aide.
Le pouvoir fonctionne caché : alors que dans les pays occidentaux les médias rendent toutes les décisions publiques, le secret est le mode de fonctionnement taliban : ceux qui gouvernent se cachent. Certains chefs talibans proposent même de déplacer la capitale à Kandahar, ce qui rendrait les prises de décision encore plus obscures.
Les voyageurs qui se rendent malgré tout en Afghanistan rapportent que les gens parlent volontiers de certains progrès : la propreté de la ville, par exemple. La répression de certains crimes et délits privés. L’état des routes, la renaissance du tourisme. Il s’agit de quelques chantiers –vitrines. Les visiteurs sont sollicités pour dire du bien de quelques réalisations qui sont proposées en exemples. Les drogués qui vivaient sous le pont ont disparu de l’espace public : mais on dit qu’ ils sont enfermés dans un camp spécial. Où les méthodes de traitement doivent être assez violentes.
J’ai bien peur que Les personnes qui croient voir une amélioration soient victimes d’une illusion. Il n’y a pas de travail, pas de production pas d’échanges économiques, pas de sécurité et la famine est toujours menaçante. L’immigration de masse continue. La peur d’être recherché exécuté ou torturé est toujours présente.
Le désir de vengeance explique une augmentation des exécutions sommaires, sans jugement. On évalue à presque 2000 en une année le nombre des crimes liés à des vengeances.
Les restrictions et les disparitions des droits des femmes entrainent une disparition du droit en général au sens où nous l’entendons: il y a peu des procès et beaucoup de vengeances. Qui déconstruit le droit des femmes déconstruit les droits humains. Certaines personnes ayant soutenu le régime précédent sont liquidées sans autre forme de procès .
Les marchés de la reconstruction et les oligarques afghans.
Comme dans tous les pays où l’État est faible, la puissance politique est remplacée par le pouvoir économique, par l’intermédiaire des phénomènes de corruption. En l’absence d’un pouvoir central fort, les intérêts économiques manifestent leur grand appétit . C’est un phénomène comparable à celui des oligarques en Russie. Les anciens responsables de mines, les anciens responsables des transports achètent ce qu’ils devaient simplement gérer, et l’État s’affaiblit considérablement ; comme si les Afghans avaient décrété une pose temporaire dans les conflits armés pour se refaire un peu d’économies. Les voyageurs de retour d’Afghanistan signalent la présence des Chinois, des Japonais, des Indonésiens, tous à la recherche de nouveaux marchés…Il se fait une répartition, où les acteurs asiatiques, les entreprises asiatiques, se font plus nombreux et plus puissants que les acteurs économiques traditionnels. La Chine se présente comme l’État qui va reconstruire l’Afghanistan. La Chine se présente comme le seul État étant resté neutre dans les conflits des décennies précédentes (elle n’est pas intervenue avec les soviétiques, elle n’est pas intervenue avec les américains). La Chine a promis 3,6 millions de dollars de matériel médical. Les véhicules de police flambant neufs dans lesquels se promènent les talibans sont fournis en partie par la Chine. La Chine se propose de reconstruire tout le système d’irrigation de la province de Pawan. Un accord prévoit la formation, par les Chinois, de 30 000 officiers et sous-officiers pour la nouvelle armée afghane…Ces promesses semblent exagérées du fait que Les États-Unis restent, et de loin en tête des pays qui commercent avec l’Afghanistan. Mais la part des pays d’Asie devient très importante et sera peut-être un jour décisive… Les Afghans fortunés, ceux que j’appelle les oligarques afghans, se retrouvent dans les émirats arabes, ils se sont fait construire des palaces, en Iran ; ils n’oublient pas les marchés asiatiques. Kaboul sera peut-être bientôt une étape sur une des nouvelles routes de la soie, dans un dispositif économique mis en place par les Chinois.
Comme je l’ai déjà dit à propos de la famine, Les Afghans vivent de la solidarité internationale. Ils vivent déjà des grands programmes alimentaires : la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et « action contre la faim » par exemple.
La dépendance de l’Afghanistan envers la communauté internationale est toujours très forte. Tout se passe comme si Les fonds dédiés à la lutte contre les talibans sont reconvertis en fonds « humanitaires ». Les Américains préfèrent payer (les talibans) plutôt que faire la guerre. Ainsi, par exemple, ils payent les salaires des fonctionnaires et des soldats.
Les talibans qui gèrent provisoirement le pays laissent faire : ils tolèrent l’aide économique des grands pays occidentaux et s’occupent de faire respecter leur interprétation des mœurs et coutumes islamiques. Pour le reste, ils comptent sur les principes de l’économie capitaliste pour gérer ce qui reste du pays.
Les plus riches de la diaspora afghane vendent le pays par morceaux (en particulier à des entreprises du Tadjikistan). Il faut signaler la découverte récente de mines de lithium, terre rare utile pour la fabrication des batteries des moteurs électriques.
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L’Afghanistan traverse une période de grande faiblesse. Nul ne peut dire quand en sera la fin. Mais un réservoir considérable de capacités est toujours présent là-bas. Les capacités culturelles héritées des capacités humaines, comme des capacités matérielles (mines de cuivre, de terre rares, aujourd’hui de lithium). L’Afghanistan est potentiellement riche de son tourisme. Il paraît qu’un hôtel a déjà été reconstruit à Bamyan.
Les jeunes afghans constituent aussi une richesse.
Les jeunes qui ont choisi l’exil accumulent des savoirs, apprennent des techniques, des manières de vivre et ils seront au centre d’une future reconstruction de leur pays. Il viendra un jour où l’Afghanistan trouvera une place dans sa zone d’influence ; mais il y a de grandes chances que ce processus aboutisse à un renforcement des liens avec les pays de la zone asiatique.
Ces jeunes sont déterminés. Ils ont souffert et se sont endurcis. Ils ont appris à devenir efficaces. Nous leur suggérons de créer leurs propres associations pour regrouper ces forces.
Les Afghans sont aujourd’hui les demandeurs d’asile les plus nombreux en France. Il est temps qu’ils se regroupent, se connaissent, et s’entraident.
Michel TOURNEUX